Jerusalem 2000-2001

15 septembre 2022

Ces photographies ont été effectuées par le photographe Luc Chery entre septembre 2000 et mai 2001.
C’est à dire au début d’une nouvelle période d’incertitude et de conflits, période marquée par l’éclatement de l ‘«intifada al aqsa ».

Luc Chery n’est pas venu à Jerusalem à des fins de reportage ou de compte-rendu de l ‘actualité.
A l’aide de cadrages très précis, il propose au contraire une lecture métaphorique de la vie á Jérusalem, au travers de natures mortes qui agissent comme autant de tableaux urbains.
Une symbolique de frontières s’en dégage, de croisements et de co-existences.
Des points de vue inhabituels révèlent une autre perception de la réalité urbaine.
Cela se produit à l’aide d’un répertoire de signes et de matières éminemment présents mais qui, d’ordinaire, ne retiennent pas immédiatement l’attention. Déchirures, collages et reflets habituellement traités comme résidus sont ici composés pour proposer des lectures plurielles d’une réalité urbaine très intriquée.

Luc Chery s’est employé à faire connaissance « de l’intérieur », à tenter de prendre la mesure d’ un lieu chargé d’écartèlements, de déchirures non résolues.
Nous n’avons pas à faire non plus à un travail sociologique qui chercherait à définir ou à résoudre.
Comme à son habitude, le photographe cherche à s’immerger dans les lieux et les situations, attendant que des signes remontent, se donnent au regard et fassent sens, sans dogme préalable.

A l’Est comme à l’Ouest, Luc Chery s’est aussi beaucoup attardé à capter des visages.
Ici encore, pas de dogme, pas d’ethnologie.
Les figures, au delà de l’émotion très perceptible qui s’en dégage, semblent réunies pour signaler la pluralité identitaire de la population, sans classification ni démarcation.

Bien que réalisé en plein conflit, cet ensemble photographique ne contient aucune image de guerre ni d’affrontements ; seulement des attitudes et des regards saisis dans le déroulement d’un quotidien tendu et obscurci.

Là encore, la matérialité très visible de l’environnement immédiat vient renforcer le sens, ajouter au propos.
Les personnages sont révélés dans une présence touchant plus à l’emblématique qu’au descriptif, l’utilisation si caractéristique de la lumière étant pour beaucoup dans cette particularité de traitement.

Enfin, des images d’architectures nous sont également visibles; elles tendent à souligner le processus lancinant de destruction / reconstruction, ou plutôt de recomposition, tant les bâtiments eux-mêmes semblent frappés d’une problématique identitaire, perceptible ici au travers de rapiéçages, cicatrices, vides et rajouts sommaires qui marquent magistralement la précarité d’une possible définition des lieux.

Au cœur d’une actualité brûlante, cet essai photographique est remarquable par son caractère d’a-temporalité.
Il fonctionne comme un état des lieux sensible.
L’usage métaphorique des évocations suggère subtilement l’immanence de couches de significations, à l’image des couches archéologiques constitutives de Jérusalem,
à l’image du monde,
un reflet de nous mêmes.

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